Communiqué du Collège de la Médecine Générale
De mémoire de médecin généraliste, on n’a jamais vu de crise aussi profonde dans notre discipline. Cette crise couvait depuis de nombreuses années. Trois coups de boutoir sont venus aujourd’hui crever l’abcès : la coercition invoquée pour résoudre miraculeusement les problèmes de démographie médicale, la génération arbitraire de transferts de compétences ou d’accès directs en l’absence de toute logique, et l’éloignement progressif de la rémunération vis-à-vis du cœur de métier.
La voix des médecins généralistes, premiers concernés par ces punitions, est forcément peu audible. Pour autant, l’enjeu est tel que le Collège de la Médecine Générale soutient le discours des structures professionnelles, scientifiques, universitaires et associatives qui le composent pour alerter sur les dangers dans lesquels nous entraine cette politique.
Le médecin généraliste a le rôle et la compétence d’accueillir tous les motifs de consultations, d’assurer la prise en soins initiale de la plupart d’entre eux, d’initier la prévention primaire et le dépistage sur l’ensemble des enjeux qui s’offrent au patient, et d’assurer son suivi au long cours. Nombreuses sont les études qui prouvent l’importance et l’efficience de la médecine générale pour la santé des populations. Elle serait même la discipline qui a le plus fort impact sur la mortalité1.
- La coercition conduira la population à une désillusion majeure puisqu’aujourd’hui, 87 % du territoire français est considéré comme un désert médical2.
- L’ouverture aveugle de transferts de compétences et d’accès directs au mépris du rôle et de la place de chaque métier engendrera des parcours de soins erratiques, où les professionnels pourront se renvoyer les responsabilités du plan de prévention, de diagnostic et de suivi, laissant les patients livrés à eux-mêmes.
- La politique actuelle autour de la rémunération des médecins mettra en péril la qualité et la pérennité des soins délivrés aux patients.
Les positionnements inadaptés des élus et des tutelles menacent à court terme le système de santé : médecins libéraux et système de santé public de proximité (prévention, centres de santé…). Pourtant la santé de tous ne sera pas améliorée par une réponse centrée sur les soins non programmés ou les téléconsultations dérégulées.
Alors que certains jouent la mise en concurrence et le dénigrement, le Collège de la Médecine Générale est convaincu qu’au contraire, les intérêts de tous les acteurs, politiques, professionnels et population, sont conjoints. En ce sens, il souhaite utiliser sa place privilégiée de Conseil National Professionnel (CNP) de la discipline pour travailler avec les CNP des autres professions de santé afin d’élaborer le fil rouge qui donnera enfin un peu de logique et de lisibilité à l’indispensable évolution des métiers.
Alors que les négociations conventionnelles se trouvent toujours dans l’impasse, le Collège de la Médecine Générale invite les médecins généralistes de France à rejoindre les syndicats pour participer à la grève du 14 février 2023 afin que les soins primaires soient reconnus à leur juste valeur dans le système de soin, pour répondre aux enjeux de santé de la population.
(1) Shi L, Macinko J, Starfield B, Wulu J, Regan J, Politzer R. The relationship between primary care, income inequality, and mortality in US states, 1980-1995. J Am Board Fam Pract 2003;16(5):412-22
(2) Agnès Firmin le Bodo https://www.publicsenat.fr/article/politique/agnes-firmin-le-bodo-la-france-est-un-desert-medical-228251