Santé planétaire en médecine générale
La santé planétaire est un domaine médical fondé sur les preuves, centré sur la caractérisation des liens entre les modifications des écosystèmes dues aux activités humaines et leurs conséquences sur la santé. Son objectif est de développer et d’évaluer des solutions pour contribuer à un monde équitable, durable, et sain.
Pour accompagner les médecins généralistes à introduire les enjeux du développement durable dans leur pratique, le Collège de la Médecine Générale met à leur disposition une fiche pratique et synthétique. Les thématiques proposées dans cette fiche sont également déclinées sur cette page.
Le Concept de santé planétaire
Le concept de santé planétaire fait naturellement partie du champ de la médecine générale, qui prend en charge les individus dans leur environnement global qu’il soit familial, professionnel, social, mais également lié aux écosystèmes et au climat, avec toutes les interconnexions que cela implique.
En mars 2019, la WONCA, l’Alliance pour la santé planétaire et le Groupe de travail des professionnels de santé pour la santé planétaire, se sont associés pour sensibiliser les médecins généralistes à la notion de santé planétaire, mettre en évidence sa pertinence dans la pratique des soins et inciter à agir par différents moyens. De cette initiative est parue la Déclaration appelant les médecins généralistes du monde entier à agir en faveur de la santé planétaire.
En France la dimension planétaire se développe, et de nombreuses publications et ressources relient déjà la santé et l’environnement (cf. rubrique Ressources).
Des formations pour les professionnels de santé sont également disponibles, par exemple sur des thèmes liés à la pollution, la santé environnementale, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les OGM, la biodiversité, etc.
Mettre en évidence des messages simples dans la salle d’attente
Sensibiliser les patients dès leur entrée dans le cabinet permet de déclencher un questionnement personnel et de favoriser l’échange en consultation.
Echanger sur l’environnement personnel et professionnel
Identifier et aborder les problématiques environnementales qui concernent la vie personnelle et professionnelle du patient.
- Engager une discussion sur l’environnement : type d’habitat, mode de transport, produits quotidiens utilisés de préférence, etc. afin de pouvoir faire des propositions adaptées par la suite.
- Questionner sur les risques environnementaux (pollution, perturbateurs endocriniens, risques professionnels etc.) connus et auxquels la personne pense être soumise.
- Renseigner les expositions éventuelles dans le dossier médical afin de pouvoir les réévaluer régulièrement
Sensibiliser sur l’impact d’une mauvaise gestion des médicaments
La consommation médicamenteuse a un impact sur la santé mais également sur l’environnement, notamment sur la biodiversité, la pollution des eaux et des sols. Le médecin généraliste doit pouvoir présenter les alternatives possibles et sensibiliser les patients à une bonne gestion des médicaments à domicile : auto-médication, élimination des médicaments non utilisés
Les médicaments éliminés par les voies naturelles se retrouvent dans les eaux usées et ne sont pas complètement éliminés par les stations d’épuration. Différentes molécules sont retrouvées à l’état de résidus dans les eaux et dans les sols.
Les résistances bactériennes se développent avec l’exposition répétée aux antibiotiques dans l’environnement, avec des conséquences sur la biodiversité comme sur la santé humaine.
kits de sensibilisation du GRAIE
Dialogues de l’Association Santé Environnement France
Au niveau de la faune, une exposition répétée aux œstrogènes (contraception), même à faible dose, peut entraîner une féminisation des poissons et des troubles de la reproduction. Une exposition à un anti-inflammatoire a été associée à la quasi disparition des vautours en Asie, morts d’insuffisance rénale aiguë suite à l’ingestion de carcasses d’animaux traités ; et l’exposition à un anti-parasitaire a décimé les bousiers qui participent à l’élimination des excréments de bovins….
Même si aucune étude n’a encore étudié les conséquences de l’exposition chronique à ces résidus sur la santé humaine, et notamment à un effet “cocktail”, ces données invitent à la prudence, et sont un argument supplémentaire à partager avec les patients pour une utilisation raisonnée des médicaments.
Comment en parler avec son patient ?
- Exposer les alternatives à la prescription médicamenteuse avec leurs avantages et inconvénients (abstention, surveillance active, règles hygiénodiététiques, contraception non hormonale…).
- Lorsque cela est possible sans perte de chance, proposer une prise en charge non médicamenteuse en première intention (écoute active et empathique, exercices physiques, modification de l’alimentation…).
- Expliquer l’évolution naturelle et attendue des pathologies, rassurer sur les capacités à guérir, informer sur les signes éventuels devant amener à reconsulter.
- Prescrire des médicaments symptomatiques pour une durée limitée, et réévaluer régulièrement avec le patient l’intérêt de chaque prescription médicamenteuse au long cours. Ne pas hésiter à aborder le principe de la déprescription.
- Si la prescription d’antibiotique s’impose, ne pas hésiter à s’informer sur le site antibioclic.com pour choisir une molécule au spectre le plus étroit possible.
- Pour sensibiliser à l’antibiorésistance de manière ludique, proposer aux patients “connectés” de télécharger le jeu Micro Combat.
- Aborder les limites et les dangers de l’automédication. Encourager à faire le tri dans sa pharmacie et sensibiliser au circuit d’élimination des médicaments non utilisés avec Cyclamed.
Faire la promotion d’une alimentation équilibrée et de saison
- Privilégier une alimentation à dominante végétale (> 90% de la ration calorique) : légumes, fruits, céréales complètes, légumineuses, noix et graines, huiles insaturées (colza, noix, olive)
- Limiter les protéines animales notamment la viande rouge (bœuf, porc, agneau), les viandes transformées (charcuteries, etc), les produits fumés et les produits laitiers. Je privilégie les produits de la mer et la volaille, en quantité modérée (équivalente à 60g par jour de l’un ou l’autre), et les sources de protéines végétales (légumineuses, noix et graines, céréales complètes).
- Limiter les aliments transformés, les sucres ajoutés, les céréales raffinées (= blanches).
- Opter pour une alimentation biologique, qui est pertinente si je l’associe à une réduction du gaspillage alimentaire et une réduction de la quantité de viande que je consomme.
- Privilégier les aliments locaux et de saison.
- Eviter le plastique au contact des aliments, surtout lorsqu’ils sont chauds ; privilégier les achats en vrac, l’eau du robinet, les contenants/vaisselle/ustensiles de cuisine en inox, verre, fonte..
Informations complémentaires : EAT Forum, Site manger-bouger
Les enjeux de la santé planétaire en période périnatale
La période de la conception aux deux premières années de la vie (les 1000 jours) est déterminante pour le développement de l’enfant et la santé de l’adulte qu’il deviendra.
C’est une période de grande vulnérabilité par rapport à l’environnement, en particulier face aux perturbateurs endocriniens. Ces molécules favorisent entre autres les troubles de la reproduction, malformations génitales, cancers hormonodépendants, maladies métaboliques, maladies neuro-dégénératives…
De plus, le besoin de prendre soin est au premier plan. Ce moment clé favorise l’implication des parents, le changement durable des habitudes, et l’efficacité des messages de prévention.
Actions concrètes
En salle d’attente, je peux mettre :
• Une affiche pour initier la discussion avec les patients
• Des documents d’information à disposition
En consultation, à chaque période ses messages de prévention.
“J’ai HATE d’être parent”, l’acronyme aux 4 lettres pour 4 points forts
- Hygiène
- Alimentation
- Toxiques et iatrogénie
- Environnement
Au cours de 4 moments clés
- Dès le projet de grossesse, pour le couple
- En début de grossesse
- Pendant la grossesse, pour préparer l’arrivée de l’enfant
- Lors du suivi du nourrisson
- Je participe à une action de DPC
- J’organise des actions de sensibilisation sur mon territoire (action de santé publique au sein des MSP conventionnées, crèches et PMI, conférences publiques…)
Outils et ressources à disposition
Les 1000 premiers jours, là où tout commence : 1000-premiers-jours.fr
Femmes enceintes, environnement et santé : projetfees.fr
Encourager l’activité physique
Inspirez, soufflez, marchez, pédalez !
Les patients doivent privilégier les mobilités actives même assistées. Cela permet de renforcer la santé tout en préservant l’environnement, et ce d’autant plus que l’activité est réalisée en contact avec la nature.
En ville, le vélo réduit l’émission de polluants et de gaz à effet de serre. Il est l’outil de toutes les économies et de tous les bienfaits : économie de temps, de stress, de carburant, de place ! C’est un moyen de lutte contre la sédentarité, il permet une aération cérébrale et l’éveil à l’environnement des patient·es (l’air respiré, la proximité de transports en commun, ou d’usines..).
Pour les déplacements du quotidien, les activités de plein air sont conseillées en privilégiant le contact avec la nature, permettant ainsi d’obtenir des co-bénéfices :
pour l’environnement : réduction de la pollution de l’air, réduction de l’impact carbone ;
pour la santé : réduction des maladies cardio-vasculaires/métaboliques/cancers, réduction de la mortalité globale, amélioration de l’attention et du bien-être ;
pour l’économie : réduction du coût des déplacements.
Organiser les trajets
Utiliser dans la mesure du possible le transport le plus sobre en fonction de son activité : à pied, à vélo ou en trottinette, en transports en commun…
Planifier et regrouper ses visites ; c’est également le moment idéal pour adapter la prise en charge au plus près de l’environnement du patient ou de la patiente (salubrité de l’habitat, alimentation, stockage des médicaments…).
10 Kms en moins par jour permettraient ainsi d’économiser 704 Kg d’équivalent CO₂/an, incluant les émissions directes, et la production et distribution de carburant et d’électricité (cette estimation ne prend pas en compte la construction des véhicules (voiture, vélo, batterie, train, avion…) et des infrastructures (routes, rails, aéroports…)
Source Ademe : calculer les émissions de carbone de vos trajets
Réduire et trier les déchets du cabinet
Pour limiter les déchets, comme les livraisons et les emballages, pourquoi ne pas regrouper ses achats avec des collègues ?
Outils et ressources à disposition
Comment éliminer les déchets de soins à risques infectieux
Intégrer le développement durable dans son cabinet
Télécharger l’autocollant Stop Pub
Anticiper les impacts du changement climatique
Adopter dans sa vie professionnelle une approche globalement plus durable et plus résiliente permet de contribuer à l’atténuation du changement climatique en limitant les émissions de gaz à effet de serre.
Mesures proposées pour adapter progressivement son cabinet et son exercice aux impacts présents et à venir du changement climatique, notamment les événements météorologiques extrêmes (canicules, sécheresse et feux de forêt, inondations) amenés à être plus fréquents et plus intenses :
Réfléchir aux adaptations en termes de construction, de système de ventilation, d’énergie, de sécurité, en fonction de la situation géographique du cabinet.
Anticiper les ruptures de prise en charge liées à l’impact des catastrophes sur le système de santé lui-même (dégâts matériels et humains, tension d’approvisionnement en médicaments, baisse de rendement lors des vagues de chaleur, etc.).
Adapter l’accueil et la prise en charge de populations les plus vulnérables, qui sont les plus exposées aux impacts du changement climatique (pour en savoir plus : index de risque mondial).
Outils et ressources à disposition
Boîte à outils sur les Changements climatiques pour les professionnels de la santé publiée en 2019 par l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME/CAPE)
Organiser une réunion sur mon territoire
Les réunions entre professionnels permettent de sensibiliser à la notion de santé planétaire :
en proposant un lieu et un horaire qui facilitent et suggèrent une mobilité active (marche à pied, vélo) ou partagée (co-voiturage, transport en commun) ;
en proposant une restauration simple et attractive : des produits locaux et de saison, de l’eau du robinet éventuellement accompagnée de sirop artisanal ;
en optimisant le temps et l’efficacité de la réunion avec la préparation d’un ordre du jour en amont et la réalisation d’un compte-rendu ; ce qui, in fine, en réduira sa consommation en carbone ;
en incluant éventuellement en fin de compte-rendu le bilan environnemental de la réunion.
Pour plus d’informations : guide de l’ADEME sur le principe et les enjeux des éco-événements
A propos de “Santé planétaire”
Safeguarding human health in the Anthropocene epoch: report of The Rockefeller Foundation–Lancet Commission on planetary health
Sites institutionnels et associatifs
Association santé environnement (édite de nombreux guides à destination des patients)
Changement climatique et pollution de l’air – URPS Occitanie
Ressources issues d’une thèse en médecine générale
Santé durable, qui propose un cahier des charges du développement durable en cabinet
Doc durable, qui porte une réflexion sur l’intégration du développement durable dans son cabinet
Formations
Quelques mots clés pour vous aider dans la recherche d’une formation en lien avec la santé planétaire : environnement, santé environnementale, pollution, perturbateurs endocriniens, pesticides, OGM… et bientôt santé planétaire, réchauffement climatique, one health, biodiversité…
Page proposée par le Groupe de travail
“Santé planétaire”
Collège de la Médecine Générale – Avril 2021
Pour un congrès “santé planétaire”
Des recommandations pour contribuer à un monde équitable, durable et sain
La prescription ecoresponsable
Fiche pratique
L’alimentation Santé planétaire
Fiche pratique
Santé planétaire : le temps de l’action
Fiche pratique